Depuis quelques années, la Chine est particulièrement active à l’international pour promouvoir la technologie 5G et ses nombreuses applications dans le monde entier via son fleuron industriel Huwei.
Pour Pékin, c’est un enjeu de taille dans la bataille technologique et économique avec les Etats-Unis, car le pays souhaite réussir son pari et que les entreprises nationales se taillent la part du lion dans les appels d’offres pour le déploiement des réseaux 5G aux quatre coins du monde.
Cependant, malgré la promesse d’une technologie qui veut révolutionner la communication moderne, le déploiement de cette dernière fait face à une résistance accrue. Certaines voix s’élèvent en Chine pour accuser la 5G d’être trop coûteuse et gourmande en énergie.
Alors que le débat sur la 5G fait rage en Europe, et que l’opinion publique remet en question l’utilité réelle de cette technologie, qu’en est-il sur le territoire chinois ?
Les promesses d’une révolution… made in China?
La 5G en Chine
La 5G promet son lot d’avancées en Chine et ailleurs. Avec une vitesse de transfert de données 10 fois plus rapide que la 4G (de 5 Mbps à 50 Mbps), les applications commerciales et industrielles sont nombreuses. Et cela pourrait bien être l’un des plus importants investissements technologiques chinois de ces dernières années. Avec des applications dans les domaines de l’industrie, de l’agriculture, des véhicules autonomes, de la finance, de la sécurité et bien d’autres.
Les analystes estiment que la technologie pourrait amener 12,3 Trillions de dollars à l’économie mondiale, et 22 millions d’emplois d’ici à 2025. En Chine, ce sont Huawei, ZTE et les opérateurs publics qui s’imposent sur ce sujet.
Les opérateurs chinois tels que China Mobile et China Unicom ont premièrement lancé les phases de test du réseau 5G dès 2017 dans quelques villes pilotes. L’expérimentation à continuée jusqu’au lancement commercial des forfaits 5G en 2020 dans près de 1 000 sites désignés. La Chine comptait environ 700 000 stations 5G sur son territoire fin 2020, les estimations en annoncent 600 000 de plus courant 2021.
Historique et prévision du nombre d’appareils 5G connectés en Chine
Le plan de développement du réseau 5G en Chine compte sur l’adoption d’un système hybride utilisant le réseau d’antennes 4G déjà existant pour faire la transition sur le long terme entre les deux systèmes.
La promotion de la 5G chinoise à l’étranger
L’un des objectifs de Pékin est également d’exporter sa technologie à l’étranger, notamment dans le cadre des nouvelles routes de la soie, et en Europe, où les investissements se font de plus en plus nombreux.
Après les épisodes de résistance des pays européens face à Huawei, la Chine à sorti le grand jeu, avec en Août 2020 avec une tournée dans le continent de Wang Yi, le Ministre des Affaires Étrangères en personne, pour rassurer et promouvoir la 5G chinoise, souvent accusée d’être une porte ouverte à l’espionnage et au vol de données.
Pour rassurer, la société Huawei promet d’importants investissements créateurs d’emplois, avec notamment un projet de 4 milliards d’euros en France et une première usine hors de Chine installée en Alsace par le géant de la tech. L’entreprise compte bien s’établir durablement sur le vieux continent, et de ce fait, s’entoure de personalités françaises comme le montre le recrutement surprise de Jean-Marie le Guen, ancien Secrétaire d’Etat, nommé administrateur de Huawei France.
Face à cet activisme chinois, les Etats-Unis ne sont pas en reste et s’efforcent d’inciter leurs alliés à renoncer à la technologie chinoise pour la 5G en arguant que Huawei pourrait implanter des portes dérobées dans ces systèmes donnant accès au gouvernement chinois aux informations transitant par les réseaux. Certains comme la Suède et l’Australie se sont alignés sur la position américaine mais d’autres comme la France, restent dans un entre deux.
En Chine aussi le déploiement de la 5G doit faire face à des difficultés
Une consommation électrique importante pour une utilité encore à démontrer
Le déploiement de la technologie 5G sur le territoire chinois rencontre de plus en plus de problèmes : des coûts d’installation importants, une consommation électrique qui s’envole, et une faible demande de la part des consommateurs.
En effet l’un des problèmes majeurs des antennes 5G, c’est qu’elles sont très énergivores (environ 3 fois plus que les installations 4G) comme le montre la municipalité de Luoyang qui à décidée de coupures de nuit de 21h à 9H pour économiser sur le budget de la ville, estimant que le pic d’utilisation du réseau avait lieu en journée. Cette consommation réintroduit la question écologique et énergétique au centre des discussions. Car jusqu’à présent, les efforts de réduction de consommation d’énergie par les scientifiques et experts 5G ont été vains.
De plus, les applications pratiques d’une telle technologie ne sont pas encore bien définies. Si la 5G à pour promesse d’augmenter la vitesse de transmission des données, les autres domaines d’applications pour les utilisateurs de smartphone ne représentent pas encore de demande importante.
Il est donc certain que la réussite du déploiement de la 5G sur son territoire national va faire office de test pour le plan 5G Chinois.
Car pour l’instant il est toujours difficile d’accéder à la 5G hors des centres villes, qui restent les plus densément équipés en antennes. Un des obstacles majeurs est l’accès à la technologie pour le grand public, notamment avec un salaire mensuel minimum inférieur à 400€ (avec de grandes disparités régionales) et des smartphones atteignant les 1 000€. Beaucoup de chinois ne voient pas l’utilité d’un tel réseau et une majorité d’entre eux ne semblent pas être intéressés par la technologie.
L’un des enjeux sera également l’installation de la 5G en milieu rural, ce qui est accompagné de problèmes structurels, notamment dus à la très faible portée des antennes (environ 100 à 300 mètres).
La vraie valeur de la 5G pourrait résider dans les applications industrielles comme les voitures autonomes, la robotique, la logistique, mais celles-ci tardent encore à voir le jour hors des zones pilotes.
L’attribution des parts de marché 5G sur le territoire chinois est aussi politisé
Le potentiel du marché chinois est si important que les entreprises américaines et européennes ne peuvent pas passer à côté du sujet. Mais elles font face à beaucoup de difficultés pour accéder au marché.
D’une part, les appels d’offres semblent favoriser les acteurs nationaux pour partager les ondes chinoises. Quand on observe le sujet, l’attribution des fréquences peut s’apparenter à un simulacre de compétition. En effet, les télécoms chinois ont emporté la plupart des fréquences 5G du pays et laissent de petites portions aux opérateurs étrangers comme Nokia et Ericsson, qui ont obtenu respectivement 10% et 9,6% d’un des trois contrats 5G de China Mobile. L’attribution des parts de marchés aux européens pourrait avoir été affectée par la ligne politique de certains pays sur le sujet Huawei.
L’exemple récent est que la Chine applique comme à son habitude le principe de réciprocité en limitant les parts de marché de la société Ericsson après que l’état Suédois ait banni tout équipementier 5G chinois du territoire.
Le spectre de la dette
Si le développement de la technologie à coûté cher, la mise en place du réseau le sera encore plus.
L’État qui subventionne beaucoup l’industrie risque de se retrouver dans une situation difficile si ses investissements ne sont pas fructueux, autant en Chine qu’à l’étranger. En effet l’enjeu est colossal financièrement.
Si la Chine veut atteindre la même diffusion que le réseau 4G, la facture pourrait s’élever aux environs de 29 milliards de dollars, soit 10 fois le profit annuel de China Telecom. des sommes insoutenables pour les sociétés chinoises. Li Yizhong, ancien ministre de la Technologie et de l’Information estime la facture totale du projet de déploiement à 220 milliards.
Sans retombées positives concrètes pour l’économie chinoise, il sera difficile pour le gouvernement de justifier ces années d’investissements coûteux.
La Chine, déjà leader sur la 6G ?
La Chine semble souhaiter élever sa technologie 5G en réussite économique mondiale, mais la réalité peine à suivre les ambitions de Pékin.
Les consommateurs ont pour l’instant du mal à voir les bénéfices à long terme de la 5G en Chine. De plus, les téléphones 5G coûtent cher. L’enjeu serait plutôt de consolider l’accès à internet dans les zones rurales, là où la Chine est déjà bien avancée.
Est-il encore trop tôt pour annoncer un échec en demi-teinte ? Probablement.
Car la guerre est surtout commerciale et technologique. Jusqu’ici, la balance a toujours pesée côté américain pour les technologies télécoms et notamment sur le sujet de la production de semi-conducteurs de pointe, où les Etats-Unis restent leaders avec le taiwanais TSMC.
Mais la Chine lutte férocement pour établir son avance avec des moyens toujours plus importants. La preuve ? La Chine détient aujourd’hui le plus grand nombre de brevets sur la technologie 6G.
Cet article a été rédigé par Vincent Bonhaume en partenariat avec Spark Together.
Vincent Bonhaume est diplômé en commerce international à l’ICD Paris et de l’université Fudan de Shanghai où il a passé deux ans à étudier l’environnement économique chinois. Il a depuis travaillé avec Dezan Shira & Associates, cabinet de conseil en IDE en Chine, et en ce moment sur les sujets de politiques liées à la technologie en Asie avec Spark Together. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de SparkTogether ou de ses membres.
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