L’Intelligence Artificielle est l’une des industries les plus prometteuses de ces prochaines années. Cette technologie est capable de traiter d’immenses quantités de données pour en tirer des enseignements précis. Elle permet l’apparition progressive de technologies comme la reconnaissance faciale, la conduite autonome, ou encore l’automatisation industrielle.

Et la Chine compte bien être un acteur majeur de cette révolution. Le pays investit massivement dans cette industrie et espère devenir le leader mondial dans les prochaines années. Cette volonté s’accompagne de plus en plus d’incitations à l’investissement dans l’IA sur son territoire, poussé par des politiques publiques de plusieurs milliards de Yuan.

Dans sa course au leadership mondial dans cette industrie, l’État chinois multiplie les politiques d’investissement et de collaboration, notamment grâce à de nouveaux projets de zones économiques spéciales dédiées.

Les entreprises étrangères ont la possibilité de surfer sur cette vague d’innovation via l’investissement dans ces zones, tout en restant conscientes des risques. Décryptage dans cet article.

Devenir leader dans l’IA, une ambition chinoise affichée :

Ces dernières années, le gouvernement chinois engage d’importants moyens dans la course au développement de l’Intelligence Artificielle, qu’il imagine être le futur moteur de l’économie mondiale. L’objectif est clair, rattraper les Etats-Unis en termes de recherche et d’éclosion de talents.

Mais la marche est haute, les Etats-Unis devancent la Chine sur la plupart des points clé concernant l’IA : le développement de semi- conducteurs, avec 50% des parts du marché mondial, le nombre d’experts certifiés avec 26% des talents mondiaux et l’aspect commercial, avec 42% des entreprises de l’IA dans le monde basées sur le sol américain, contre 23% en Chine.

Pour contrer cette avancée, le gouvernement a successivement lancé différents plans visant à accélérer le développement des industries de pointe. Le Conseil des affaires de l’Etat (国务院) a proposé “A Next Generation Artificial Intelligent Development Plan” le 8 juillet 2017 qui a pour but de promouvoir le développement rapide des technologies de l’IA, considérées comme stratégiques dans la continuité de la compétition économique et militaire internationale.

L’État chinois supporte de ce fait massivement ses licornes de l’IA, telles que DJI (15 milliards USD  de dollars), Ubtech Robotics (5 milliards USD) ou encore SenseTime (4,5 milliards USD) spécialiste de la reconnaissance faciale. Le pays produit le plus important nombre de citations académiques sur le sujet dans le monde, même si celles-ci semblent avoir moins d’influence sur le développement de la technologie que les recherches américaines.

On constate aussi une importance croissante de l’IA dans l’éducation en Chine. Le pays compte suivre un système d’intégration de cursus d’IA dans son système éducatif à l’instar des projets coréens et canadiens qui investissent massivement dans les projets de recherche universitaire. Le pays devra tout faire pour intégrer et retenir ses talents sur son territoire pour assurer un développement sur le long terme des technologies de l’IA, ainsi qu’assurer sa participation à des projets collaboratifs internationaux.

L’accentuation de la recherche couplée à la création de zones pilotes a pour but de favoriser un terreau fertile pour ces talents et entreprises, dans le but de les aider à se développer sur le territoire chinois.

Ces politiques ont permis de voir naître la première importante zone industrielle spéciale liée à l’IA en 2018 en banlieue de Beijing, dans le district de Mengtougou, avec un budget alloué de 2,1 milliards USD. Ces zones économiques spéciales font partie d’une stratégie de développement économique bien connue de Pékin, qui lui ont notamment permis de lancer le développement rapide des villes côtières du pays à la fin des années 1970 sous le leadership de Deng Xiaoping.

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Focus sur les 5 zones d’innovation dans l’IA

Le 20 février 2021, le Ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information a annoncé la création de 5 nouvelles zones d’innovation de l’IA. Ces dernières font partie d’une seconde vague de lancement comprenant les villes de Beijing, Tianjin, Guangzhou, Guangzhou et Chengdu. S’ajoutant à aux projets plus anciens de Shanghai, Shenzhen et Qingdao.

L’intérêt de chaque zone géographique réside dans son intégration régionale et ses spécialisations, notamment en lien avec les municipalités et les universités locales.

Par exemple, la zone économique spéciale basée à Tianjin s’inscrit dans le contexte du projet de mégaville Beijing-Tianjin-Hebei. Ces projets se concentrent sur les travaux de développement de “smart-cities”, d’infrastructure intelligente et de conduite autonome.

La zone située à Guangzhou s’insère dans le cadre du développement de la “Greater Bay Area” comprenant Hong-Kong, Macao, Shenzhen et Guangzhou. Cette zone concentre de nombreux parcs industriels de haute technologie, comprenant la manufacture de semi-conducteurs, une production automatisée de pointe, et de nombreuses entreprises de développement de logiciels.

Tandis que le parc technologique de Chengdu vient en soutien à l’intégration économique avec la municipalité de Chongqing dans le cadre de la politique “Belt & Road Initiative », où les projets de l’IA viendront soutenir la croissance des PME locales.

Les entreprises privées travaillent aussi activement à la coopération avec les universités et les gouvernements locaux à l’instar de Xiaomi et de son fonds de recherche dans l’innovation de l’IA avec Tsinghua University, ou encore JD.com avec la municipalité de Changzhou dans le Jiangsu.

Comment la Chine compte-t-elle attirer les entreprises étrangères ?

Certaines de ces zones spéciales ont pour but d’attirer les investissements d’entreprises étrangères spécialistes de l’IA. La National Development and Reform Commission (国家发展和改革委员会) a d’ailleurs publié un catalogue d’industries clé encouragées pour l’investissement étranger. Les entreprises qui remplissent les critères définis par l’État pourront bénéficier de baisses d’impôts, d’allègements réglementaires et de prix avantageux sur la location de terrains en zone industrielle.

Le marché chinois, de par sa taille et son inclinaison plus forte à l’adoption rapide de nouvelles technologies, peut permettre une implémentation de l’IA de plus en plus importante dans les industries traditionnelles telles que la finance, la mobilité, le secteur de la santé et la construction.

Les géants de la tech américaine ont d’ailleurs déjà investi sur le territoire chinois, comme le montre Google, présent dans l’IA via un projet lancé en 2017. Basé à Beijing, ce centre de recherche a pour but de développer la base de talents locaux, pour stimuler l’environnement de la recherche sur l’IA dans le pays, notamment en participant au financement d’ateliers et de conférences en Chine.

Conclusion

La Chine semble envoyer un signal fort aux investisseurs locaux et internationaux en faisant la publicité de politiques très favorables au développement de l’Intelligence Artificielle accompagnées de régulations sur le traitement des données plutôt faibles.

Le manque de lois claires sur le traitement des données pourrait expliquer le rattrapage rapide du pays dans ce domaine, ainsi que la taille de son marché intérieur et son inclinaison à favoriser l’IA dans certaines industries (reconnaissance faciale, self-driving, robotique et industrie de pointe)

Cependant, les entreprises souhaitant lancer leur projet dans ces zones spéciales doivent connaître les risques liés à l’investissement en Chine. Notamment au sujet de la protection des brevets, et des coopérations inter-entreprises lors de l’établissement de Joint-Ventures, qui peuvent être à l’origine de transferts plus ou moins voulus de propriété intellectuelle.

Cet article a été rédigé par Vincent Bonhaumme en partenariat avec Spark Together.

Vincent Bonhaume est diplômé en commerce international à l’ICD Paris et de l’université Fudan de Shanghai où il a passé deux ans à étudier l’environnement économique chinois. Il a depuis travaillé avec Dezan Shira & Associates, cabinet de conseil en IDE en Chine, et en ce moment sur les sujets de politiques liées à la technologie en Asie avec Spark Together. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de SparkTogether ou de ses membres.