Comme l’a rappelé le dernier rapport du GIEC publié le mercredi 23 juin, le défi climatique est plus que jamais une urgence absolue. Pour y faire face, 195 pays ont signé l’Accord de Paris de 2015 et se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

La Chine est un acteur clé de cet accord et, sur le papier, le pays a pris des engagements forts. Pékin prévoit ainsi d’atteindre son pic historique d’émissions polluantes aux environs 2030 et projette de rendre sa production énergétique “neutre en carbone” en 2060. Le pays est également devenu le champion incontesté des énergies vertes de par sa production d’énergie renouvelable mais aussi en tant que principal exportateur de panneaux solaires et d’éoliennes.

Pourtant, si le pays souhaite s’afficher en leader de l’écologie, il n’est pas le plus pressé pour changer ses méthodes de production d’énergie et reste le principal émetteur mondial de gaz à effet de serre. Comment expliquer ce paradoxe ?

Une politique ancienne de soutien aux énergies renouvelables

En effet, la Chine supporte l’industrie des énergies renouvelables depuis les années 1950. L’État chinois avait alors créé un fond spécial pour le développement des petits projets hydroélectriques. Ce dernier a continué à supporter ces projets jusque dans les années 80 pour soutenir le développement des zones rurales, là où la demande en électricité n’a cessé d’augmenter avec les années.

La continuité historique des projets de soutien à la production d’énergie décarbonée et les moyens mis en œuvre ont permis au pays d’atteindre une capacité de production plus importante que le reste du monde.

Dans les années 90, les efforts se sont concentrés sur les technologies émergentes telles que le solaire et l’éolien. Pékin prévoit alors des baisses d’impôts, prix préférentiels et crédits pour la création de projets de production d’électricité verte. Ces subventions se sont récemment concentrées sur le solaire et sur l’éolien avec respectivement 42,84 milliards et 35,69 milliards de Yuan (4,65 milliards d’euros) alloués en 2020. Une augmentation de 7,5% des subventions par rapport à 2019.

Les subventions sont en effet ajustées chaque année au fur et à mesure de l’évolution du marché. Outre la production d’énergie, l’état chinois travaille également sur la prolongation du plan de subventions pour les NEV (New Energy Vehicles) étendu à 2022 pour booster le marché de l’automobile électrique, avec des conditions d’attribution cependant plus strictes qu’auparavant.

Mais alors que la production d’énergie bas carbone – qui englobe à la fois la la production d’électricité à base de renouvelables et l’énergie nucléaire – ne cesse d’augmenter, le charbon reste majoritaire. On constate une évolution allant de 5,23% du total d’électricité produite dans cette catégorie en 1999 à 14,86% en 2019.

Malgré cette augmentation, le charbon reste de loin la principale source de production d’électricité en Chine. Comme le montre la répartition de la production énergétique chinoise par source ci-dessous:

  • Charbon avec 61% de la production d’électricité en 2020 (77% en 2010)
  • Hydroélectrique, 2ème source de production d’électricité en Chine avec 17,78% du mix en 2020 (16,25% en 2010)
  • Éolien 6,12% en 2020 (1,17% en 2010)
  • Nucléaire 4,80% en 2020 (1,77% en 2010)
  • Solaire 3,42% en 2020 (0,01% en 2010)

La Chine entend désormais réduire son soutien aux énergies décarbonées 

Après l’augmentation continue des subventions sur cette dernière décennie, on assiste à un revirement de politique, le gouvernement ayant annoncé une coupe importante dans les subventions à partir de 2020. L’objectif est de laisser l’industrie des renouvelables maturer. Considérant que les coûts de production ont suffisamment diminué, Pékin souhaite désormais laisser les renouvelables entrer en compétition avec l’industrie du charbon pour la production d’électricité.

Les subventions seront notamment réduites de 50% sur 2020-2021 sur les nouveaux projets solaires et complètement supprimées à partir de 2021 pour l’éolien onshore et offshore.

Au delà des raisons officiellement avancées, des raisons plus politiques expliquent ce changement.

Pourquoi c’est plus compliqué que prévu

La coupe annoncée par Pékin n’est pas seulement destinée à pousser la concurrence dans l’industrie des énergies renouvelables. Elle s’explique surtout par le coût croissant de ces subventions publiques.

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Le poids croissant des subventions aux énergies renouvelables pèse sur les finances publiques chinoises.

Avec l’augmentation des subventions ces 10 dernières années, le prix de l’énergie renouvelable à fortement baissé, mais le nombre de projets d’énergie renouvelable à quant à lui à fortement augmenté, pesant maintenant un poids important pour les finances publiques chinoises. Le financement des subventions n’a en effet pas tenu avec la croissance rapide du secteur, et Pékin doit encore beaucoup d’argent aux entreprises de l’énergie (env 300 milliards en 2020 et entre 450 et 550 milliards de yuan pour 2027-2030).

Le problème de financement auquel le gouvernement fait face est important : les subventions promises sont difficilement finançables par de nouvelles taxes. Un impôt sur la consommation d’électricité seul ne suffit pas, et le gouvernement doit solliciter les banques pour proposer des prêts avantageux. Le plus inquiétant étant qu’en plus d’avoir des difficultés financières à régler, le pays reste encore extrêmement dépendant de l’industrie du charbon pour son énergie.

Le charbon est encore omniprésent 

En Chine, le charbon bat tous les records: Le pays possède la capacité de production d’électricité via centrale à charbon la plus importante du monde, plus grande que tous les autres pays combinés. Il est aussi le plus gros pollueur avec 28% du total des émissions de gaz à effet de serre mondial.

Le charbon compte pour 61% de la production d’électricité en Chine en 2020 et est responsable de 52% du total des émissions de CO2 du pays.

On constate aussi des disparités régionales. Dans certaines régions, le coût de l’énergie fossile est bas et permet de soutenir l’économie en péril comme dans le Dongbei, région qui aura des difficultés à se tourner vers les renouvelables tant que leur prix ne sera pas suffisamment abordable. Alors que de nouvelles restrictions de production se profilent pour les provinces du nord, la nouvelle politique de soutien aux énergies renouvelables pourrait encore fragiliser l’économie de cette zone du pays, qui concentre la production de métal, d’aluminium et d’autres matériaux particulièrement polluants dans leur production. En effet, la plupart des centres de production de métal et d’aluminium se situent souvent dans des villes moins développées du pays, où les finances publiques locales risquent d’être fortement affectées par tout durcissement des législations anti-pollution.

La libéralisation du marché de l’énergie pourra-t-elle permettre à la Chine de tenir ses objectifs?

La Chine semble de plus en plus faire le choix d’un marché libre dans l’industrie des énergies renouvelables, tout d’abord en baissant progressivement les subventions puis en laissant les entreprises et secteurs se concurrencer pour tirer les prix vers le bas.

Cette ouverture se traduit également par une ouverture croissante aux acteurs étrangers. 

Le White Paper dévoilé fin Décembre 2020 « Energy in China’s New Era » indique que la Chine va réduire les restrictions d’accès à l’investissement étranger sur la production d’énergie. Les secteurs concernés son les suivants: pétrole, gaz, charbon, électricité, éolien, solaire, hydroélectrique. Si ces industries sont concernées par des levées de restrictions. Le nucléaire, lui, reste encore sous restrictions pour des questions de sécurité nationale. Les entreprises étrangères sont ainsi encouragées à investir dans les renouvelables en Chine, notamment par des WFOE (Wholly Foreign Owned Enterprise), des JV (Joint-Venture) ou par achat de parts majoritaires (sauf entreprises publiques). Le nucléaire quant à lui ne permet pas d’avoir d’actionnaire majoritaire étranger mais supporte tout de même une part d’investissement étranger, à l’instar d’EDF sur certaines centrales par exemple.

Cependant, cette libéralisation progressive ne semble pas remettre en cause la prédominance du charbon. Au contraire, on constate que les acteurs étrangers investissent eux-même dans ce secteur.

La marche est encore haute pour un mix énergétique plus renouvelable et moins polluant, tant la vie du pays repose sur les énergies fossiles. Avec cette position contradictoire de championne des énergies vertes et de plus grosse pollueuse de la planète, faut-il vraiment faire confiance à la Chine dans la tenue de ses objectifs de l’Accord de Paris ?

Cet article a été rédigé par Vincent Bonhaume en partenariat avec Spark Together.

Vincent Bonhaume est diplômé en commerce international à l’ICD Paris et de l’université Fudan de Shanghai où il a passé deux ans à étudier l’environnement économique chinois. Il a depuis travaillé avec Dezan Shira & Associates, cabinet de conseil en IDE en Chine, et en ce moment sur les sujets de politiques liées à la technologie en Asie avec Spark Together. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de SparkTogether ou de ses membres.